Assise sur le sol sale de son appartement, sa guitare noire sur ses genoux, Givre soupira en calant sa tête sur son canapé, ses yeux glauques rivés vers le plafond sale et mal entretenu. Elle n’avait pas la force de ranger, repeindre, refaire. Elle se plaisait dans l’univers qu’elle avait toujours côtoyé depuis son départ de chez elle, de chez sa mère. Sa grand-mère aurait crisé en rentrant dans ce qui était son ancien appartement, devenu maintenant une antre plus qu’un réel habitat. Des posters de groupe de rock, des paquets de cigarette vide, un tapis sans couleur, une table basse où des tasses et des verres s’entassaient. Qu’importe.

Jouant quelques accords, elle finit par poser sa guitare sur le canapé, étendant ses jambes sous la table basse. Attrapant un paquet sur la table, elle trouva une survivante au fond. En un tour de main, elle craqua l’allumette et l’approcha de sa bouche, consumant le tabac et observant les cendres chuter une à une. Son réveil sonna.
Il était huit heures, elle n’avait pas dormit de la nuit, donc. Le temps avait filé doucement mais sans qu’elle puisse le voir. Elle n’était pas fatiguée, pas plus que d’habitude. Se levant d’un air las, elle tira le rideau de la fenêtre, laissant le soleil réchauffer sa peau. Au moins, il faisait beau.

Se déshabillant, elle prit une longue douche et alla s’habiller, enfilant un simple jean noir et un débardeur gris. Pour travailler, elle ne s’embarrassait pas du superflu. Conduire un camion et décharger des caisses ne demandaient aucun apparat spécial. Une paire de doc, une veste en cuir, elle pouvait partir. L’entrepôt où elle travaillait était à dix minutes à pied, seul avantage à habiter le quartier le plus pauvre de la ville. Les industries n’étaient jamais loin. Pointant à l’entrée du bâtiment, elle regarda le planning. L’Académie. On était déjà mardi ? Soupirant, elle se dirigea vers la plateforme 9, passant devant ses collègues sans un regard. Ils avaient fini de charger les fruits et les légumes, elle n’avait plus qu’à partir pour sa première livraison.

Habituellement, ce travail était fait en duo, plus facile pour décharger. Mais le rendement de Givre était meilleur en solitaire, sinon elle finissait par se crêper le chignon avec son partenaire et à le laisser rentrer par ses propres moyens. Ses supérieurs avaient finalement accepté qu’elle travaille seule. Claquant la porte du camion, elle tourna les clefs et alluma le moteur, attendant que les portes automatiques s’ouvrent. En un instant, elle était partie, doucement mais surement.

Arrivant devant les grilles, elle tourna vers l’entrée de service, et sonna pour qu’on lui ouvre. Sortant du véhicule, elle ouvrit les portes arrière, et commença à sortir les caisses pour les amener vers l’entrée de la cantine. Plus vite elle aurait terminé, plus vite elle pourrait rentrer chez elle, au calme.