Mignonne allons voir...

Cela à présent un mois tout rond que Sayanel travaillait à l'Academy Cross. Et pour le moment il n'y avait croisé que la gentille et étonnante Juliet Watanabe, la bibliothécaire. Cependant, il n'en s'en désolait pas : il travaillait la nuit lorsque les Day Class dormaient et que les Night Class allaient en cours. Et en admettant qu'il croise l'un d'eux, ces vampires nobles ne jugeaient pas utile de lui adresser la parole, lui pauvre jardinier de level D.

Ce soir, il devait s'occuper d'un Orpin (CLIC) que le directeur Kurosu voulait pourpre et qui hélas n'était que mauve. Sayanel savait que les fleurs avaient besoin d'eau et de soleil. Ainsi que d'un bon terreau. Et il avait donné tout cela au petit arbuste, mais celui-ci ne grandissait pas et de mûrissait pas plus. Il se décida donc à appliquer une autre méthode, qu'il savait empirique et qu'il n'employait qu'à l'abri des regards curieux et dubitatifs.

Sa technique consistait à parler aux plantes. Comme un doux rêveur qu'il était, il pensait que les fleurs avaient une conscience et une personnalité. Selon lui, le problème de cet Orpin était qu'il trop timide et n'avait pas assez confiance en lui pour grandir tout seul. Il avait besoin d'encouragements réguliers et sincères. Car en plus d'avoir une conscience, pensait-il, les fleurs pouvaient sentir nos mensonges. C'étaient les êtres les plus purs et les plus parfaits qui existent. Même les vampires ne leur arrivaient pas à la cheville.

Il sortit donc de la bibliothèque où il avait patiemment attendu que le soleil se couche, à l'abri derrière les lourds rideaux de velours propre que Juliet avait accepté de tirer dans une partie de la salle pour lui, et se dirigea vers le cabanon où il alla prendre ses gants épais et son tablier. Aujourd'hui, il n'avait qu'à parler à cet arbuste, il n'avait donc pas jugé nécessaire de porter un jean et une chemise usés. Il avait opté pour un de ses nombreux costumes hybrides de kimono et de costume à queue de pie. Il ne voulait pas cependant risquer de le salir avec une tache indélébile de terre et choisis de s'enlaidir avec cet épais tablier plus marron que blanc.

L'endossant tout en marchant à grandes enjambées, il arriva rapidement près de l'endroit où il devait rendre son office. Il enfila ses gants comme les enfilerait un chirurgien près de faire une opération délicate et éreintante et s’accroupit près du petit buisson chétif où tentaient de se maintenir désespérément quelques rares boutons mauves. Il regarda tendrement la plante mais avec toutefois une connaissance aiguë de cette petite chose muette, aux yeux du reste du monde mais pas des siens, et il conclut son examen par un petit soupir dénotant sa tristesse.

Sa tristesse était poignante et un petit vent sembla faire frissonner les branchages fragiles de l'Orpin. Rouvrant les yeux qu'il avait fermé pour retenir ses émotions, Sayanel sourit au petit arbre et commença à lui parler d'une voix charmante et de velours, un peu comme un bel homme parlerait à une belle fille pour la charmer.

« Mon ravissant trésor, tu sais que je t'attends... ? Je voudrais que mes paroles t'atteignent et te fasse grandir. Ainsi je pourrais caresser sans craintes tes courbes délicates et observer sans peur tes couleurs si riches. Je pourrais toucher ta douceur sans t'écorcher et je pourrais t'aimer sans que tu ne te détourne. Si seulement tu acceptais de me donner une chance de t'aider... Veux-tu bien de moi ? »

Sayanel n'avait bien entendu jamais parlé à une femme, ni à un homme de cette façon. Il ne pensait pas que de telles paroles, si cérémonieuses et mièvres dans ce monde où le sexe prime, pourraient attirer quelqu'un. Au contraire, elles les feraient fuir et il ne préférait donc pas s'ouvrir de cette façon aux hommes. Et comme c'était sa seule manière d'être, il ne se tournait donc jamais vers eux.

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